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Prestation compensatoire : attention au point de départ du délai de 2 mois pour appliquer le taux d'intérêt légal majoré de 5 points

Arrêt commenté : Cour de cassation, 2ième chambre civile, 12 janvier 2023 – N° 20-20.063

Dans son arrêt du 12 janvier 2023, la 2ième Chambre civile rappelle que l’application du taux majoré d’intérêt légal résulte de la signification de la décision : « le taux majoré de l'intérêt légal ne court qu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification de la décision ».

Les données de l’espèce étaient les suivantes : l’époux était condamné à verser une prestation compensatoire sous forme de rente viagère selon Jugement de divorce du 2 mars 2009.

Cette condamnation prenait la suite du devoir de secours pour lequel une procédure de paiement direct avait été mise en place par l’épouse.

Infirmant cette décision, par arrêt du 28 janvier 2010, la Cour d’appel de CAEN condamnait l’époux à verser une prestation compensatoire sous forme de capital.

Cet arrêt était signifié à l’époux le 2 janvier 2018.

Par la suite, saisi d’une demande de main-levée du paiement direct toujours en cours, le Juge de l’exécution interrogeait les parties sur les conséquences qu’elles entendaient tirer du fait que le Jugement de divorce était devenu définitif le 23 septembre 2012, soit deux ans après la date à laquelle il avait été rendu.

Par Jugement du 29 novembre 2019, le Juge de l’exécution de CAEN déboutait l’époux de sa demande d’exonération de la majoration du taux d’intérêts légal (Juge de l’exécution de CAEAN, 29/11/2019 - RG N°18/02781).

Saisie par l’époux, la Cour d’appel de CAEN, par arrêt du 7 juillet 2020, confirmait en considérant que le taux d’intérêt légal était majoré après que la décision de justice soit devenue exécutoire, soit en l’espèce à compter du 23 novembre 2012 (Cour d’appel de CAEN, 1ière Civ, 7 juillet 2020 RG N°19/03467).

A l’appui, elle reprenait les dispositions de l’article L.313-3 du code monétaire et financier : « En cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. Cet effet est attaché de plein droit au jugement d'adjudication sur saisie immobilière, quatre mois après son prononcé ».

Cette analyse est censurée par la Cour de Cassation laquelle rappelle que : « le taux majoré de l'intérêt légal ne court qu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la signification de la décision ».

A l’appui, la Cour rappelle le double fondement juridique applicable : non seulement les dispositions des articles L.313-3, al 1 du code monétaire et financier reprises par les Juges du fond mais également celles de l’article 503 du code de procédure civile lesquelles précisent : « Les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire ».

La 2ième chambre civile rappelle une règle bien ancrée désormais (notamment : CCass, 3ième Civ, 3 juin 1992, N°90-16.792 / CCass, 2ième Civ, 4 avril 2002, N°00-19.822 / CCass, 1ire Civ, 28 février 2006 – RG n° 04-11.510) : pour appliquer le taux d’intérêt légal majoré, c’est la notification de la décision qui compte.

Ce rappel est néanmoins nécessaire face à la tentation des Juges du fond de fixer le point de départ de l’intérêt majoré à la date à laquelle le Jugement est devenu définitif, solution, en plus d’être erronée en droit, tout à fait périlleuse tant elle aurait pour conséquence d’échapper au contrôle des parties (voir par exemple : Cour d’appel de Colmar, 3e ch. civ., sect. A, 29 févr. 2016, n° 14/02871).

En l’espèce, la créancière avait attendu de longues années avant de signifier la décision. Cette absence de diligences ne saurait permettre l’application du taux légal majoré lequel, rappelons-le, est de nature comminatoire.

En fixant le point de départ de l’intérêt légal majoré à la date de signification de la décision, la Cour de cassation rappelle au contraire que le taux majoré résulte d’un acte matériel et volontaire des parties, ce qui semble tout à fait cohérent et justifié.

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